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Griffin park films
Mot de la réalisatrice - dossier de presse
La musique est partout, depuis toujours. Son pouvoir sur l’être humain relève du lieu commun. Mais quand prenons-nous le temps de nous demander pourquoi? Pourquoi n’existe-t-il pas de société sans musique? Pourquoi ai-je la chair de poule quand j’écoute telle pièce musicale? Des larmes? Une sensation de joie profonde? De plénitude? De tristesse? Pourquoi mon corps se met-il à bouger instinctivement sur le rythme? Pourquoi est-ce que j’écoute souvent la même musique? Pourquoi ne puis-je pas imaginer ma vie sans musique?
Pourquoi cette chose abstraite et immatérielle qu’est la musique est aussi vitale que la nourriture, aussi puissante que le sexe, aussi enivrante que la drogue?
Autant de questions en apparence banales, mais en réalité profondes, que nos personnages abordent à travers la lorgnette de leurs recherches scientifiques ou de leurs expériences personnelles et professionnelles.
« Il n’y a pas de société sans musique. »
- Nathalie Fernando, ethnomusicologue
Avant de débuter le tournage du film, nous avons alloué une grande importance à la phase de développement qui s’est déroulée sur une période de plus de 18 mois. Andrée Blais, sociologue, coscénariste et productrice au contenu, a étendu la recherche à l’échelle mondiale en quête des dernières études scientifiques sur la musique. De ses conclusions, nous avons établi notre ligne directrice hypothétique : la musique est vitale et universelle.
Le sujet de la musique nous a menés à la rencontre d’êtres humains d’exception aux origines et horizons très différents, mais tous liés par le rapport viscéral qu’ils entretiennent avec la musique. Chacun des intervenants du film a été minutieusement choisi pour incarner les thèmes identifiés par notre recherche fondamentale, soit :
o la musique et le cerveau
o la musique et le corps
o la musique et la voix
o la musique et l’instrument
o la musique et la nature
o la musique salvatrice
o la musique omniprésente et originelle
o la musique comme outil d’inclusion sociale
o la musique et la cohésion sociale
o la musique sacrée et virtuose
« La música es como el agua, es vital. »
« La musique est comme l’eau, vitale. »
– Ron Davis Alvarez, fondateur Dream Orchestra, El Sistema Suède
Nous entendons nos premiers sons à travers le liquide amniotique dans le ventre de notre mère avec, en premier plan sonore, le rythme de son cœur. Les vagues des océans rythment la planète, en sont le pouls. Pour l’artiste sur scène, la foule se transforme en une immense vague qui module dans un mouvement collectif.
De ses ondes, la musique nous inonde et nous transporte.
Dans la langue anglaise, wave est utilisé à la fois pour signifier la vague de l’océan et l’ondulation sonore : ocean wave et sound wave. La métaphore entre la musique et l’eau s’est imposée alors que tous les personnages du film, chacun à leur façon, y ont fait spontanément référence en entrevue.
L’apparition du lien entre eau et musique fut l’une des nombreuses surprises que notre sujet nous
réservait!
« Abstract fleeting sequence of sounds. »
« Une série de sons abstraits et fugitifs. »
- Valorie N. Salimpoor, consultante en neuroscience
Comment aborder visuellement un film dont le personnage principal est sonore et par le fait même, invisible?
Avec mes acolytes directeurs de la photographie Tobie Marier Robitaille et Josée Deshaies, nous avons fait des choix formels motivés par cette contrainte fort stimulante. Le noir et blanc s’est imposé pour ses qualités unificatrices et démocratiques. En documentaire, on ne contrôle pas les décors et la lumière. Or, en noir et blanc, l’image devient textures, contraste et lignes. Tout lieu, tout visage, est beau en noir et blanc.
L’absence de couleur donne à l’image une sobriété qui, selon notre parti pris esthétique, participe à mettre la trame sonore à l’avant-plan.
« It’s like looking at an ocean. The ocean crashes and has these big momentums and movements. »
« C’est comme regarder un océan. L’océan se fracasse, il y a des momentums et des mouvements. »
- Patrick Watson, auteur-compositeur-interprète
Pour porter la musique qui est mouvement, il est apparu évident que l’image devait « flotter », toujours bouger au moins un peu comme sur l’eau. L’utilisation d’une steadicam nous a permis de créer cette motion perpétuelle un peu fantomatique qui nous porte d’une scène à l’autre un peu comme s’il s’agissait du point de vue de la musique. La caméra suit et observe les personnages qui se dévoilent dans l’action, à la manière du cinéma direct.
Dans un souci de sobriété et d’intimité, les entrevues ont été tournées en gros plans sur fond noir. Ainsi, les visages deviennent des paysages que l’on regarde sans aucune distraction. Leurs regards à la caméra créent un lien très engageant pour le spectateur.
« Music is really all about anticipation.
You have some idea of where this music is going to go, but you don’t know exactly where it’s gonna go. »
« La musique est une question d’anticipation.
On pense savoir où la musique va nous mener, mais on ne le sait pas exactement. »
- Valorie N. Salimpoor, consultante en neuroscience
Construit comme une pièce musicale et inspiré du mouvement de ressac des vagues, le film module, progresse d’un momentum à l’autre en créant de l’anticipation et de l’étonnement. Avec Louis-Martin Paradis, le monteur le plus méticuleux du monde, nous avons voulu que ce film choral se vive comme un voyage sensoriel. On glisse d’une scène à l’autre sans s’en apercevoir, les personnages s’entremêlent, se relancent et se répondent. La musique de l’un nous transporte à l’autre. Des heures, des semaines, des mois auront été nécessaires pour monter Comme une vague.
« If you feel it on your skin, you know that they’re going to feel it the same way. »
« Si on le ressent sur notre peau, on sait qu’ils ressentiront la même chose. »
- Bernard Greenhouse, violoncelliste
Le frisson musical se ressent plus qu’il ne s’explique. Le défi formel du film était justement de faire ressentir, par le biais de l’image, du son et du montage, l’effet qu’a la musique sur nous en plus de l’expliquer scientifiquement.
« When you truly listen, you simply open up and treat all sounds with equal value. »
« Lorsqu’on écoute véritablement, on s’ouvre simplement et on accorde la même valeur à tous les sons. »
- Gordon Hempton, écologiste acoustique
Dès le début du film on invite le spectateur à se concentrer sur le personnage principal : le son qui devient rythme, puis musique. Il était primordial, dans un film sur la musique, que l’équipe de postproduction sonore entre en jeu dès le début de la préproduction. Plusieurs rencontres et allers-retours entre le montage visuel et sonore auront permis aux deux entités de se fondre l’une dans l’autre et de ne faire qu’une. Les magiciens du son Luc Raymond et Guy Pelletier, concepteurs sonores, ont traité les sons comme des notes de musique en créant une trame sonore singulière et enveloppante qui porte le film sur ses épaules. De concert avec le mixeur Bernard Gariépy Strobl, ils ont effectué un travail colossal de montage et de mixage en n’utilisant que la musique intradiégétique, des effets sonores et le son direct capté par les preneurs de son François Grenon et Maxime Dumesnil.
« It’s the foundation of us. »
« C’est notre fondement à tous. »
- Tiana L. Malone, musicothérapeute agréée
L'effet de la musique sur le cerveau ne fait aucune discrimination entre les genres, le statut social, l’âge, l’origine ou les croyances. Quel que soit le style musical qu'on affectionne, à l’écoute d’une pièce aimée notre cerveau réagira de la même façon que celui d’un.e autre. La musique n’est-elle donc pas le plus petit dénominateur commun entre tous les êtres humains? Cette chose qui nous unit par-dessus tout?
« Menos bomba, más música. »
« Moins de bombes, plus de musique »
– Ron Davis Alvarez, fondateur Dream Orchestra, El Sistema Suède
Au départ, il y eut l’envie de rendre un hommage cinématographique à la musique. À l’arrivée et à notre grande surprise, force est de constater que notre sujet, invisible et immatériel, nous a guidés, à notre insu, à le dépasser. D’un film sur la musique, Comme une vague est devenu un film sur l’inclusion et la cohésion sociale, l’empathie, la résilience, la beauté, l’amour et la paix.
C’est dire l’immense pouvoir de la musique.
En espérant que la vague vous transporte à votre tour, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont rendu ce film possible.
Marie-Julie Dallaire
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