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Cinémathèque québécoise
À tout prendre est le premier long métrage de fiction de nature autobiographique réalisé au Québec et tourné selon les méthodes et les techniques du cinéma direct. En raison d'un esthétisme hors du commun, attaché à l'expression intimiste et libertaire des personnages de Claude et Johanne, le film suscite à sa sortie un mélange d'étonnement admiratif et d'indignation vertueuse. Claude Jutra ose revivre à l'écran sa propre histoire d'amour avec Johanne Harrelle, un mannequin noir (c'est la première fois en Amérique que l'on filme une scène de lit entre un Blanc et une Noire, de même que Johanne Harrelle a été l'un des premiers mannequins noirs de la haute couture montréalaise et new-yorkaise). Tous les deux se livrent en toute liberté à une confession mutuelle dont le jeu de la vérité amène Johanne à s'enquérir de la possible homosexualité de Claude. De même, ils devront se confronter à l'angoissant dilemme de l'avortement lorsque Johanne tombera enceinte.
Cette production indépendante s'appuie sur un travail d'improvisation des comédiens basé sur leurs propres souvenirs. Le ton fantaisiste où le rire et le plaisir de se raconter sont essentiels, même dans les moments les plus graves, donne à cette œuvre une vitalité artistique nouvelle et toujours actuelle.
Claude Jutra possédait un immense talent pour la composition à la table de montage, c'est là qu'il façonnait ses films. Pour À tout prendre, il avait d'abord tourné la majorité des scènes, sans scénario précis et en versions multiples, se constituant ainsi un recueil d'images et de sons avec lequel il fabriquera son film, comme un écrivain qui travaillerait avec son propre dictionnaire de mots. Ainsi, il mettra au point de multiples significations à chacune des séquences par un commentaire ou un dialogue en voix hors champ, une citation, une musique, une insertion sonore, une onomatopée, etc., quelques fois contradictoires, en un mouvement perpétuel et complexe.
Grâce à cette nouvelle accessibilité au film, il sera ainsi possible de mieux constater comment ce chef d'œuvre bicolore explore avec une justesse émouvante des tabous que les décennies n’ont pas su faire disparaître complètement…
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