2020 aurait du être la consécration internationale de Daniel Grou, avec le succès de Mafia inc en salles et dans les festivals. Un mauvais scénario épidémique en a décidé autrement, en perturbant notre lien à la salle de cinéma. Mafia inc est donc à ce jour un beau succès de bouche à oreille sur le web. C’est déjà beaucoup, mais ça n’a rien de surprenant.
Largement reconnu à l’étranger et au Québec pour ses séries télévisées, l’artiste dont le surnom, Podz, lui fait parfois de l’ombre, a réinventé sa carrière sur grand écran. Il y a vite fait parler de lui par son goût des sujets difficile, traumatiques comme les violences sur les enfants, la vengeance ou le viol, abordés de manière crue mais aussi dans un grand soucis formel. Ses films questionnent la morale et les limites de la représentation. Ils sont aussi des aventures humaines, des défis narratifs et techniques même si Miraculum ou King Dave n’ont pas encore été appréciés à leur juste valeur.
Avec une méthode qui lui est propre, l’homme est reconnu comme un des meilleurs directeur d’acteurs du Québec et un virtuose de la mise en scène, un styliste dont l’art du floutage colle à notre époque troublée. Le dernier confinement retarde les projets qui s’accumulent mais donne au moins à ce long entretien la possibilité d’exister. Prélude sans doute à d’autres rencontres, car comme sa carrière à venir, Daniel Grou est encore loin d’avoir livré tous les secrets de son art et de son inspiration…
Bien que préférant une esthétique plus sobre que le film précédent, 10 1/2 est très étudié formellement, même si vous optez souvent pour le corps à corps avec l’enfant et les éducateurs. Il y a aussi un travail sur le rythme…
Oui, c’est totalement une autre approche, presque documentaire. J’avais un peu Ken Loach à l’esprit. Pas que je les ai revus avant, car j’évite de regarder d’autres choses quand je fais un film pour ne pas tomber dans l’imitation ou le pastiche et rester frais. Mais je trouvais que pour ce sujet tel qu’on l’a traité, on restait très près d’eux, sans artifices. C’était plus approprié pour traduire l’émotion et être pris dans la vie. Je n’irai pas jusqu’à dire que la façon plus plastique utilisée pour tourner Les 7 jours du talion n’est pas aussi vraie. C’est même loin d’être le cas. Ceux qui font ces distinctions manquent un peu d’imagination. Ici, on était plus près des émotions des personnages. Au lieu d’une caméra séparée de la réalité, des événements qu’elle regarde, là c’était le contraire et les mouvements de caméra étaient pensés, étudiés. Je ne sais pas s’il y avait à nouveau une iconographie chrétienne, mais en tout cas cet effort d’être au plus près. D’autant qu’en faisant le film, je me suis rendu compte que Tommy, c’était moi quand j’étais petit ! J’ai donc ressenti des trucs assez profonds là dedans. À la fin du film, j’ai crashé, j’ai fait une mini-dépression. Ça m’a pris beaucoup d’énergie et j’ai réalisé beaucoup de choses sur ma vie que j’avais mis de côté et c’est tout ça qui a été mis dans ces scènes là.
Ajouter un commentaire