Journal d'un père

- Notes de l'auteur -

Journal d’un père a vu le jour au coeur de la pandémie. Je venais de quitter ma fille à Berlin pour rentrer chez moi à Montréal.
Le temps semblait s’être arrêté. Dans un climat d’incertitude, les frontières se refermaient, réduisant mes espoirs de revoir
ma fille dans un avenir proche.
Au cours des mois de confinement qui ont suivi, je me suis interrogé sur mon rôle de père. Comment faire pour que ma
fille souffre le moins possible de mon absence ? Que puis-je faire pour être un meilleur père ? Qu’ai-je hérité de mon père
adoptif, un homme aimant mais absent la plupart du temps ? Et qu’en est-il de mon père biologique, absent de ma vie, mais
à qui je ressemble comme deux gouttes d’eau et dont j’ai récemment retrouvé la trace ?
C’est dans cet état d’esprit que Journal d’un père s’est imposé sous forme de journal filmique, une lettre adressée à ma fille
et à mes deux pères pour conjurer leurs absences.
À la croisée du documentaire et de la fiction, Journal d’un père transcende mon histoire personnelle pour devenir une
méditation sur la filiation, où chaque spectateur peut tisser sa propre histoire familiale en tant que parent ou enfant.
Cette forme libre m’a permis de créer une structure narrative où la réalité cède parfois place au rêve, où le cinéma
lui-même devient un personnage à part entière. C’est ainsi que des extraits d’oeuvres qui m’ont marqué (d’Ingmar Bergman
et de Wim Wenders) font écho aux thèmes du film : la paternité, la filiation, la résilience, entre autres.
Dès le départ, il était évident que ma fille ne serait pas présente dans le film. Non seulement pour des raisons éthiques, car
elle est trop jeune pour consentir à être filmée, mais aussi pour mieux incarner dramatiquement son absence, à l’instar de
ce que j’avais fait avec ma mère biologique dans mon précédent essai documentaire, Une femme, ma mère.
Journal d’un père s’inscrit dans une perspective poétique plutôt que dans une approche documentaire traditionnelle sur
la paternité. Le film se déploie sur quatre saisons pour renforcer le douloureux sentiment de séparation avec ma fille.
J’ai choisi le noir et blanc parce qu’il évoque une interprétation parfois plus magique de la réalité. Il permet de mieux jouer
avec la texture des images, notamment pour les scènes hivernales. De plus, le noir et blanc unifie les différents fils narratifs
du film (le présent, les souvenirs avec mon père adoptif, les scènes oniriques, les archives, les extraits de films) créant ainsi
un univers presque intemporel.
Journal d’un père est dans la continuité de mon essai documentaire Une femme, ma mère, salué par la critique et le public
au Canada et à l’étranger. Il complète la trilogie amorcée avec D’où je viens (2014) et Une femme, ma mère (2019).