Ce mois-ci, nous renouons avec le cinéma de Robin Aubert, précédemment accueilli à Florac au Festival 48 images seconde. Pierre Audebert vous livre son entrevue avec le réalisateur de Tuktuq et de Les Affamés (que vous avez peut-être déjà eu la chance de voir sur Netflix !).
S’il est sans doute un moraliste, Robin Aubert n’a aucune leçon à administrer. Tuktuq ( 2016 ) ne vient pas pour accuser les générations précédentes de génocide mais déjà raconter la prise de conscience d’un individu, lui-même… Ce beau rêve éveillé n’en déchire pas moins le voile de l’indifférence. Sobre et puissante émanation du cinéma du réel se frottant à la fiction pour mieux dépeindre une situation tristement réaliste, Tuktuq raconte la spoliation toujours à l’œuvre chez les colonisateurs des peuples premiers. L’indignation tranquille qui s’en dégage a valeur universelle, du nord au sud de l’Amérique bien sûr, mais aussi dans n’importe laquelle de nos colonies ou garden parties de la Françafrique, en Loire-Atlantique comme dans la Meuse. Il ne s’agit pas de valeurs digérées dans ce prisme identitaire qui à l’heure actuelle avilit tout, réduisant le champ des possibles à une peau de chagrin ou un drapeau, mais de sentiments, de ce goût de l’Autre, jusque dans ses visions fantasmatiques du village originel monstrueusement transformé en Saint-Martyrs des damnés. Après tout, Robin Aubert a suffisamment voyagé pour se permettre d’interroger l’état du monde et notre rapport schizophrène à cet unique héritage commun. Il n’a donc rien du bobo mondialisé. Il ne s’achète pas non plus avec trois compliments ou une bordée de trophées. Et si la profession québécoise vient de le reconnaître désormais incontournable, on peut lui faire confiance pour échapper aux carcans comme aux recettes toutes faites. Car ce trublion aimant jouer, pratique très sérieusement la chasse, la confrontation à son double, à l’organique. C’est peut-être de là qu’il tire ce regard aigu et fasciné qui, s’il traque les petites choses, soutient sans embages les gens. Des gens simples, parfois perdus dans un monde beaucoup plus grand et mystérieux qu’eux – sa forêt noire hantée par les cris sauvages de Mohicans irascibles et souverains – lieu changeant constamment et qui conserve pourtant cet aspect de contrée immuable.
QUELQUES EXTRAITS…
La base du scénario de Tuktuq repose-t-elle sur une assise documentaire ou simplement sur une situation emblématique de tous les peuples et de beaucoup de communautés amérindiennes dans le monde d’aujourd’hui ?
Un mélange des deux, je dirais. Je sais que ce que je dis dans le film n’est rien comparé à la réalité. La réalité dépasse toujours la fiction. La fiction ne va jamais assez loin à mon avis. On ne peut jamais aller trop loin en fiction, c’est impossible. C’est la raison pour laquelle les analystes pensent que tu fricotes avec le « surréalisme » alors que toi, tu tentes juste de transposer la vérité en image.
Il y a une limpidité de l’image, un sens de l’espace qui laissent dans la narration la possibilité du retour à l’essentiel…
C’est gentil. Aussi bien Tuktuq que Les Affamés ( j’inclus là-dedans Sur le Ciment ) m’ont redonné le goût de faire du cinéma. Par contre, sans À l’origine d’un cri, aucun de ces films n’aurait été possible. À l’origine d’un cri demeura toujours mon film le plus important. De le savoir, ça m’enlève un poids énorme. J’peux explorer d’avantage, rire de moi-même, prendre des risques, m’écheveler dans le chaos des idées, ne plus m’en faire avec ce milieu de pacotille. L’essentiel se trouve dans ce que tu fais avec le cinéma et non ce qui gravite autour du cinéma.
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